Dans le langage protocolaire entre Etats, on dit que l’accueil réservé aux hauts responsables et aux dirigeants des pays témoigne de l’état des relations. Le Maroc a déroulé le tapis rouge au Chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, qui, venu accompagné de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a été le grand convive du Royaume où il effectue sa première visite officielle après sa réélection à la tête du gouvernement de son pays.
Sahara : Soutien constant au plan d’autonomie
Sanchez a été reçu en grande pompe et on lui a rendu tous les honneurs. Après un bref tête à tête avec son homologue marocain, Aziz Akhannouch, il a eu une audience royale au Palais de Rabat. Au cours de son entretien avec SM le Roi, il a aussitôt réitéré le soutien de l’Espagne au plan d’autonomie pour le Sahara tel qu’exprimé dans la Déclaration conjointe adoptée le 7 avril 2022, et la Déclaration conjointe rendue publique à l’issue des travaux de la 12ème session de la Réunion de Haut Niveau (RHN) Maroc-Espagne, le 02 février 2023.
Le respect de l’intégrité territoriale du Royaume et sa souveraineté sur le Sahara est devenu ancré dans la nouvelle alliance stratégique permanente entre Rabat et Madrid, estime Amine Laghidi, expert en diplomatie économique et dans les stratégies de développement. “Respecter l’autre passe essentiellement par le respect de son intégrité territoriale, il en va de soi surtout lorsqu’il s’agit de l’ancienne puissance occupante du Sahara”, précise-t-il.
Ce faisant, le gouvernement espagnol tient à montrer la constance de sa position sur la question du Sahara, sachant que le revirement diplomatique de Madrid a été perçu comme un tournant dans les relations hispano-marocaines. Ceci intervient au moment où la France se préparerait à un éventuel changement de sa position sur le Sahara suite à un début de réchauffement des relations avec Rabat dont la prochaine visite du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, annoncée par des bruits de couloirs, serait la preuve.
45 milliards d’investissements à l’horizon 2050
Pedro Sanchez est venu au Royaume consolider les acquis de la réconciliation entre les deux pays qui ont su tourner prestement la page des incompréhensions. Il a fait part de la volonté de l’Espagne “d’aller de l’avant” dans la mise en œuvre de la Feuille de route maroco-espagnole, adoptée en avril 2022. Le terrain est propice puisque les relations au niveau politique n’ont jamais été si claires et si cordiales qu’aujourd’hui. Sanchez lui-même a déclaré que les relations bilatérales connaissent leur «meilleur moment».
Le locataire de la Moncloa n’est pas venu uniquement pour témoigner de son amitié pour le Royaume. Il est venu porteur d’une vision de long terme pour raffermir un partenariat auquel les experts accordent le qualificatif de “stratégique”. Une vision basée essentiellement sur l’économie. Madrid semble vouloir renforcer davantage son ancrage au Maroc, sachant que quelque 45 milliards d’euros d’investissements seront mobilisés au Maroc d’ici 2050. C’est ce qu’il a annoncé lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de sa visite de travail. Pedro Sanchez qui en avril dernier avait annoncé une enveloppe espagnole de 800 millions d’euros au Maroc, a souligné que les opportunités d’investissements au Maroc, suscitent l’intérêt des entreprises ibériques.
Les investissements annoncés ne peuvent être dissociés de la co-organisation commune de la Coupe du Monde 2030, censée donner un nouvel élan à la coopération bilatérale. Sanchez a fait clairement savoir que le partenariat économique est appelé à se renforcer davantage, notamment dans le contexte mondial. Il a par ailleurs salué le «grand effort» déployé par le Maroc en faveur de la modernisation de son économie. Une modernisation dont les sociétés espagnoles veulent tirer profit puisqu’elle offre plusieurs contrats juteux et des parts de marchés appétissantes. Le Premier ministre espagnol a cité plusieurs secteurs qui intéressent ses hommes d’affaires, à savoir les domaines du transport, des énergies renouvelables et de la gestion des ressources hydriques.
Pour concrétiser ces ambitions, Sanchez a plaidé pour la tenue d’un forum rassemblant les entreprises marocaines et espagnoles, «afin d’explorer les possibilités de coopération et d’investissement dans la perspective de concrétiser ce projet passionnant», notamment sur le plan des infrastructures
Les dossiers en stand-by
La visite du Premier ministre espagnol a été également l’occasion d’évoquer les dossiers sensibles pour ne pas dire les sujets qui fâchent. La question des douanes commerciales à Sebta et Melillia continue de cristalliser l’attention des Espagnols qui, à en croire ce que dit la presse ibérique, sont impatients de voir les postes rouvrir leurs portes sachant qu’ils sont censés être opérationnels depuis le début de 2023. Jusqu’à présent, plusieurs obstacles techniques compliquent cette réouverture tant espérée du côté espagnol. Or, selon El Pais, Pedro Sanchez aurait dit aux autorités marocaines lors de sa visite que “tout est prêt”.
Lors de sa conférence de presse, il a expliqué que les nouvelles règles douanières feront l’objet d’une future réunion entre les deux gouvernements sans en préciser la date. Le fait qu’il n’y ait pas d’annonce concrète sur les douanes a irrité la presse ibérique qui a reproché à Sanchez de n’avoir rien obtenu de son déplacement à Rabat. Depuis la fermeture des postes douaniers en 2018, le Maroc a conditionné leur réouverture par un nouveau système qui met fin à la contrebande. Après la réconciliation en 2022, les deux pays ont convenu d’œuvrer ensemble à reprendre le commerce terrestre et les lignes maritimes dans le cadre de la feuille de route. Depuis lors, il y a eu quelques avancées. Deux tests pilotes ont eu lieu en 2023 sont déboucher sur un démarrage officiel du flux de marchandises.
Au-delà de ces complications douanières, Madrid demeure satisfait de l’état de la coopération, surtout dans le domaine migratoire. Pedro Sanchez s’est félicité d’une «coopération exemplaire». Il s’est dit personnellement parfaitement satisfait de ses résultats. Selon les chiffres relayés par les autorités espagnoles, jusqu’à fin novembre, le Maroc a empêché le départ d’environ 64.500 migrants sans papiers. Les équipes marocaines ont en même temps secouru 15.000 candidats à l’immigration irrégulière dans l’Atlantique et la Méditerranée, pour la plupart des subsahariens.